vendredi 21 juin 2013

Heureux qui comme Ulysse... (Epilogue)

J'ai vu des rennes, c'est petit un renne. J'ai vu la Laponie et senti sa liberté, je me suis promenée dans ses collines, elles m'ont gelé les cils. J'ai vu des lacs et je me suis perdu dans leur reflet. J'ai vu Helsinki de jour comme de nuit, j'ai traversé Saint-Pétersbourg à n'en plus sentir mes mollets, vu ses dômes dorés et ses indénombrables clochers, j'ai vu Stockholm et son couché de soleil qui m'a troublé. Les Pays Baltes en bus sous un soleil brûlant, j'ai boxé avec des finnois, j'ai pu détruire des clichés, mais en voir certains confirmés, j'ai appris beaucoup sur les autres cultures, j'ai pris conscience que je ne connaissais peut-être pas assez la mienne. Je devrais aussi mieux connaître la France, un peu. J'ai serré des gens dans mes bras plus de fois qu'en toute une vie. On m'a dit beaucoup de jolies choses. J'ai vu un hiver de six mois, grelotté sous -25°C et nagé dans un encrier. Mes pupilles ont été frappées par la beauté des Aurores Boréales. Ca danse, une aurore boréale. Je vous jure que ça danse. J'ai senti 28°C et vécu des journées sans nuitées. 

Aujourd'hui je regarde la Lune et je m'ennuie. 
J'ai fait le tour des quatre saisons, et j'ai fait un tour sur moi même. Plus la même. 

C'était bien.  


Voilà. 
Je suis rentrée depuis dix jours. D'abord à la campagne et puis à la ville, Lille. 

Je n'avais pas vu la France depuis dix mois. Malgré toute l'amertume, la petite larme dans le bus, des yeux qui s'accrochent à toutes les branches par peur de tout oublier, j'étais bien curieuse. 

Curieuse de savoir ce que ça fait, quand on revient. Comme ça. Un jour, on est de nouveau là. 

D'abord c'est l'euphorie, c'est les questions, les sourires, le contact que l'on aurait jamais eu, le tour de la maison, le tour du jardin, et le chien, n'oublions pas le chien. Soudain j'étais importante, le centre d'attention, la bête curieuse. 

Et puis plus rien. 
Qu'attendrait-on de plus ? 

Les autres, ils continuent leur vie de tous les jours. Moi, moi c'est la paperasse, les inscriptions, reprendre certaines habitudes... Réactiver. Un processus bien étrange alors que je ne m'étais pas mis sur pause. Ce n'était pas des vacances ; j'ai vécu là-bas presque un an. J'avais modelé quelque chose. 

J'avais modelé une vie quotidienne. 
J'avais un chez moi, j'avais des sons, des odeurs,  un paysage. 
Un jour je me suis levée, j'ai pris ma valise, et j'ai tout quitté. En une journée, sens inverse. 

Ca n'était plus. 
Il faut des mois d'adaptations. Et en l'espace de quelques heures, que reste-t-il ? 

La mémoire. Oui, mais quoi d'autre ?
A voir. Laisser traverser, traverser un méchant filtre ; le filtre du comme avant. 

Je suis entre deux mondes. Il y a quelque chose qui coince ; ça grince et ça m'irrite. 

Les vagues sont un peu grandes alors je bois la tasse. 

Et après ? Hein  ? 

C'est quoi ; continuer, ou recommencer ? Continuer, puisque je n'étais pas sur pause.

Oui mais quand même, ça sent le neuf. 

Et je n'ai même pas de notice, putain. 


S. 


Merci, d'avoir lu toutes mes bêtises, et de m'avoir quand même dit que c'était bien. 






lundi 10 juin 2013

Trois culottes, les Pays-Baltes - Lituanie.


Levée tôt, un peu trop, un bus de plus, un flot de pensée, une nouvelle monnaie. 

Klaipèda, ville de sculptures.

Klaipèda, dans la grisaille. Bonjour, Lituanie. Dernière semaine, allons-y. 

Klaipèda est une petite ville côtière qui n'est pas déplaisante, je l'ai trouvée plutôt calme, peut-être le temps, peut-être les soldes, peut-être les deux mais en tout cas, la ville était assez déserte pour un Samedi. 

Bien qu'il ne s'élève pas d'impressionnant monuments et que la vieille ville soit en réalité plutôt très moderne, Klaipèda a quelque chose d'intéressant. Il y a des sculptures un peu partout (dont un parc de sculptures, très joli) et parfois, une légende y est  associée. 

Un musée des horloges, petit mais intéressant, si vous aimez les vieux systèmes de mesure et les vieux mécanismes. Les fondations du château ont été transformées en musée souterrain, un peu décevant. 

Le premier soir je discute avec la jeune fille venue faire le ménage à l'auberge ; je suis la première cliente qu'elle rencontre, elle a un peu peur, vient par ici, on va parler toi et moi. 

Qu'étudies-tu ? Le tourisme. Mais parfois je me demande si j'ai fait le bon choix. J'aurais peut-être dû être ingénieur. Tu aimes Klaipèda ? Je l'adore, je ne pourrais jamais la quitter. Tu n'as pas envie d'habiter ailleurs ? Peut-être plus tard, pour quelques temps, mais après je reviendrai. Je suis née ici, je ne peux pas imaginer vivre quelque part d'autre. Ah, bon. Avant je prenais des cours de chants à la chorale mais c'est trop cher ; 35 Litas par heure. Ici je gagne à peu près 5 Litas de l'heure. HEIN ?! C'est assez normal, je crois que c'est à peu près le salaire minimum. 

Juste pour information : 1€ = 3,45 litas. 









































Le plus important à Klaipèda, selon moi, ne se situe pas dans la ville même. Le deuxième jour, j'ai loué une bicyclette, j'ai pris un ferry jusque l'Isthme de Courlande et je suis partie pour 50 kilomètres jusque Nida, une petite ville située un peu plus au Sud de l'Isthme. Morceau de terre parcouru d'une route, quelques aménagements, mais curieusement encore très naturel. 

Jusque là, tout allait bien. 

Je pédalais cheveux au vent, pensant combien cette journée était fort agréable, lorsque ma roue s'est dégonflée. Comme ça. A mi chemin. S'fou d'ma gueule. Bon. Alors si vous avez un peu suivi, je suis arrivée en Finlande certifié grosse quiche en réparation de vélo, et je vais en repartir labellisée double-quiche. Je me suis donc retrouvée au bord du chemin en ne sachant pas bien si le pneu était dégonflé ou crevé ; mais je devais tellement avoir l'air idiote qu'un gentil groupe de Lituaniens s'est arrêté. Besoin d'aide ? Oh bah puisque vous êtes là. Ils ont pris le temps de démonter ma roue, la vérifier, la regonfler, la remonter. Et tout ça en s'envoyant des shots d'un alcool appelé mystérieusement 999.

 Eh merci hein les gars. Tu veux un shot? Héhé... non ça va.  

Je suis arrivée à Nida en fin d'après-midi, j'aurais tant aimé mettre mon cul dans un seau de glace. Je charge mon vélo à bord du bus nous ramenant au ferry. Chauffeur bougon, ça fera 10 Lats en plus. 

Enfoiré. 

Le lendemain, je prends le bus pour Kaunas ; trois heures de route. Dormir. Regarder le paysage. Penser, encore. Je retrouve des souvenirs bien enfouis. C'est comme chercher dans les décombres. C'est là, ça a toujours été là, mais pas assez proche de la surface pour que les petits égarements du quotidien nous fasse trébucher dessus.

"Oublier un souvenir", est-ce seulement possible ?

C'est important, de se souvenir. 
On ne prend pas assez le temps de se souvenir.



















































Kaunas

Beaucoup durant mon voyage m'avaient dit du mal de Kaunas, qu'il n'y avait rien à y faire, rien d'intéressant. Je trouve que ce n'est pas lui rendre justice ; Kaunas s'est développée ces dernières années, une vieille ville inanimée laissant place à des rues marchandes plutôt jolies, des acteurs privées et publiques essayant d'en tirer quelque chose. Je suis sûre que d'ici quelques années elle peut devenir quelque chose d'encore mieux.

Des églises de styles différents, un hôtel de ville,  et un jolie reste de château. Une semaine que je n'en n'avais pas croisé ; toute contente que j'étais je trottinai et montai les marches de la tour. 

Un brouhaha. Des rires. Des cris. Cela vous semble familier ?
Eh merde, encore.
Je me fige. J'écoute. Oui, ce sont bien des bambins en casquette et baskets à scratch qui déboulent. 

Bon, alors bien sûr j'ai commencé à transpirer et faire de l'hyperventilation, j'ai donc rampé hors de la zone de conflit et j'ai couru vers le centre (ceci est une fiction). 

Sur l'autre rive, une plateforme, où les yeux peuvent se poser sur un joli panoramique de la ville. 

Entre les midis, à l'auberge je rencontre Guillaume ; jeune français de 26 ans (corrige moi si je me trompe). En Avril dernier, il a pris son vélo, quelques affaires et s'est fixé un objectif : aller au Cap Nord. Il a depuis traversé les Alpes, la Suisse, la République Tchèque, l'Allemagne,  la Pologne, les Pays-Baltes et se trouve en ce moment même en Finlande. 

On parle. On parle. L'heure tourne. Nouvelle purge de français. Il a rencontré des gens formidables, et à le lire cette chance ne l'a pas encore quitté. Son voyage vaut bien mieux que le mien, et je lui souhaite d'atteindre son objectif ; être au Cap Nord pour son anniversaire le 22 Juin (et je veux la photo, suis-je claire?). L'après midi on s'en va tous les trois avec Ali visiter le monastère, bien à l'écart du centre ville, endroit sauvage. L'intérieur de l'église était assez impressionnant : tous les murs et le plafond étaient recouverts de marbres rouge et blanc. J'ai un peu ricané, tout de même. 

Pas d'argent, l'Eglise, mh ?


Plus les jours passent et moins je me sens en phase avec les réponses que je donne mécaniquement aux deux questions les plus fréquemment posées :
Tu viens d'où ? Finl..France. Je ne sais plus. Pourquoi tu voyages par ici ? Parce-que culture, proche de la Finl... Pas cher...Non. Si ? Je ne sais plus.

C'est vrai ça, pourquoi ? Qu'est-ce que je fous là, moi.





 

 




























Vilnius

Dernier arrêt, la très belle capitale. 
Oui Vilnius est belle, Vilnius rayonne. Cosmopolite, ville d'expression, les murs vous en diront beaucoup.
Deux rives bien distinctes, une historique et une plus moderne, et lorsque vous montez sur la colline où siège la tour, vous apercevez que Vilnius est entourée par la forêt. Et c'est beau. 

Je crois que c'est la plus jolie capitale des trois Pays Baltes. 




 


 
















































A l'Est du centre ville, un quartier nommé la République d'Uzupis, signalée par un panneau à son entrée, possédant sa propre constitution. Je ne sais pas vraiment si cela est pris au sérieux, mais siège des artistes, le quartier vaut une balade. 












A l'auberge, trois indiens. Un jeune couple et Laxdan ; ils se sont rencontrés à l'auberge, deux jours plus tard ils décident d’emménager ensemble dans un appartement, le couple voudrait ouvrir un restaurant indien. 

Je rencontre une allemande de 23 ans. Je n'ai pas fait d'étude, je voyage, c'est tout. Je pars quelque part je cherche du travail, j'économise, et je repars. Ainsi, elle a vu le Canada, le Japon, la Thaïlande, cinq pays d'Afrique, l'Amérique du Sud, l'Inde, le Mexique... Je cherche le meilleur endroit pour acheter un terrain, je voudrais ouvrir une auberge avec une petite ferme Bio. 
Dans la nuit, elle a pris le train pour Cracovie. 

Je rencontre Basja, la rencontre la plus surprenante de mon voyage, je crois. 
Née en Sibérie, ses parents avaient fuit l'Allemagne. Puis ce sera la Pologne, Israël, le Canada (dont elle a la nationalité), une vie bouleversée, un retour en Israël, des voyages, et puis la Lituanie. Passant d'un extrême à l'autre, d'année en année, elle allège son sac, et ne s'attache plus à rien de matériel. Sa langue maternelle est le Yiddish, elle parle l'Allemand, l'anglais, un peu de Polonais, de Russe et d'hébreu. 

" Je n'aime pas être en litige, mes conflits je les règle à coup d'batte de baseball. "

Le deuxième jour je visite Trakai, à 30km de Vilnius, ou demeure un château entouré de lacs. L'endroit est magnifique, je ne pouvais espérer mieux pour terminer. L'exact reflet des arbres dans le lac me rappelle la Finlande. La Finlande... me paraissait alors si loin. 

Le dernier soir je suis fiévreuse, Basja et les Indiens sont aux petits soins. Le lendemain, alors que je passais la journée dans les aéroports, ces quatre là emménageaient tous ensemble dans leur nouvel appartement. 





 





J'ai bien creusé, durant ce voyage. Je suis allée loin. 
L'accueil était parfois un peu froid ; le langage n'aidant pas toujours. J'ai vu une certaine pauvreté.
Arrivée à Helsinki, je me suis senti chez moi. Entendre du finnois, même sans toujours le comprendre, c'était rassurant. Ca m'avait manqué. 
J'ai mis quelques jours à me réhabituer à Oulu. Depuis je vis dans un jour sans fin, soleil de minuit. 

J'essaie de m'imprégner encore un peu plus de tout ce qui m'entoure. 

Ca va me manquer tout ça.

Après un vagabondage dans les Pays Baltes, quelques jours de plus en Finlande, et après ces dix mois, la France.

Ca me donne  le vertige. 

J'ai une putain de trouille. 


S.